Qu'on en juge : un Premier ministre tancé par l'assistance de l’AMF (association des Maires de France) lorsqu'il évoque le sujet sur un ton péremptoire, un ministre de l'éducation qui renonce tout simplement à venir s'expliquer devant les élus présents, un président de la république qui déclare devant les maires.

"Je fais la différence entre celui qui ne peut pas appliquer la loi et celui qui en fait un acte militant" .

Tous reconnaissent donc implicitement que la consigne donnée aux maires n’a, au mieux, pas été réfléchie, au pire est, en l’état, inapplicable.

Force est de constater que la mesure S.M.A  ne fait pas que des heureux, même à droite : A. Juppé qui ne peut pas passer pour un militant gauchiste tacle la mesure en précisant, je cite, qu'il y a "des difficultés d'application" et qu'il faudra "une évaluation".

46% des maires –toutes sensibilités politiques confondues– ont éprouvé de réelles difficultés à mettre en œuvre le SMA et 500 référés d'ores et déjà prononcés à l'encontre des "récalcitrants" .

Il s’en suit aujourd’hui, toute une série de référés devant les tribunaux administratifs pour les communes n’ayant pas pu ou pas voulu mettre en place un service minimum inapplicable voire dangereux. La ville de Sin le Noble n’échappe pas à cette tentative de mise au pas.

Face à un dispositif à ce point inadapté, la résolution adoptée par l'AMF est de bon sens : "évaluation objective des difficultés; révision de la loi; suspension des procédures engagées contre les maires" . Son président, Jacques Pélissard (UMP) autre militant gauchiste, peut-être, a parfaitement résumé l'état d'esprit général en s'adressant au chef de l'Etat : "Nous attendons un dialogue responsable de la part de tous vos ministres, y compris celui de l'éducation nationale, à qui nous demandons de respecter les maires."

La mesure du SMA n’est effectivement pas exempte de difficultés de mise en œuvre ni d’effets pervers concernant comme, par exemple, le droit légitime d’une profession à utiliser le droit de grève pour faire aboutir ses revendications. La mesure présente pour les édiles quelques difficultés:

Les maires doivent recruter des agents temporairement pour palier les insuffisances d’accueil dans les écoles en cas de grève. Mais, au jour où se déroule ce service minimum, le nombre d’élèves peut être nettement inférieur au nombre prévu. La mairie se retrouve alors avec  des personnes à rémunérer, sans forcement avoir à les occuper toutes. Sachant que le remboursement se fera sur la base des enfants réellement accueillis (par groupe de 15).

Les personnels recrutés ou aptes à la tâche doivent être formés au minimum du BAFA et maîtriser le fonctionnement d’un établissement scolaire et connaître les consignes en cas d’accident ou d’évacuation forcée. La garde de 20 enfants dans une classe ne peut décemment pas être confiée au garde champêtre de la commune ou pire, aux parents d’élèves volontaires.

La mairie, si elle souhaite maîtriser en sécurité la journée scolaire, doit aussi penser au service de cantine ; or si le personnel communal est déjà actif pour la garde des enfants, il ne peut l’être sur des tâches de restauration. Par ailleurs, le service de transport scolaire, municipal ou non, peut lui aussi venir  troubler le bon déroulement de ce service et la juste prévision des moyens à mettre en œuvre.

Si, à ces arguments, on ajoute la sécurité des enfants durant ces périodes de garderie, on arrive à la conclusion que le SMA reste impossible à appliquer. Lorsque l’on sait, qu’un panneau de basket tombant sur la tête d’un enfant sur une aire de loisirs peut amener le Maire en prison, on mesure ici  l‘ampleur des risques que prend un maire en organisant « avec les moyens du bord » une garderie de 8 heures dans un établissement scolaire ou, à fortiori, dans la salle des fêtes de la commune.

En cas d’accident suite à une négligence, en cas de comportement fautif d’un animateur précaire, en cas de fugue d’un enfant…qui serait responsable ? Peut-on décemment croire que n’importe quel parent confiera son enfant à des personnes non formées et intérimaires.

 

En conclusion  : il s’agit bien d’un acte militant que de refuser de casser une grève d’enseignants et de mettre en danger les enfants sous le prétexte fallacieux de ne pas perturber la vie professionnelle de leurs parents.

N’oublions tout de même pas que l’école n’est pas un lieu de garderie, mais un lieu d’enseignement. Depuis des lustres, la garde des enfants était organisée par les enseignants eux-mêmes, pourquoi aujourd’hui, vouloir que la commune se substitue aux professionnels de l’éducation. Si un service minimum doit voir le jour, est-ce bien aux communes de le mettre en place ?

N’a-t-on pas en l’espèce une mesure populiste qui cherche à montrer que l’état et Nicolas Sarkozy en particulier, veut montrer ses muscles face aux enseignants et sa volonté de casser la Fonction Publique. Son supposé pragmatisme n’est-il pas tout bonnement la bonne vieille idéologie réactionnaire ?

On peut donc reconnaître aux maires le droit à la désobéissance civile telle que définie ci-après

Selon John Rawls : « La désobéissance civile peut être définie comme un acte public, non-violent , décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement . En agissant ainsi, on s'adresse au sens de la justice de la majorité de la communauté et on déclare que, selon une opinion mûrement réfléchie, les principes de coopération sociale entre des êtres légaux ne sont pas actuellement respectés. » La casse d’une grève légalement déclarée par leur auteur constitue bien un cas de non-respect de la coopération sociale entre être légaux.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :