Était-il utopique à la fin du moyen-âge de penser sortir du système féodal si fortement ancré dans les mœurs de l’époque ? Et pourtant après quelques siècles (Xème-XIIIème siècle), cette organisation finit par disparaître progressivement pour laisser place à une organisation de l’état et l’émergence d’une bourgeoisie.

Quels seraient donc les signes aujourd’hui d’un affaiblissement progressif du système capitalisme et quelle organisation politico-économique pourrait donc la supplanter ? Est-on dans le même cas de figure qu’avec le système féodal?

Est-on encore dans le système capitaliste, ou a-t-on déjà entamer sa reconversion ? Finies les manufactures de la fin du XVIIIème, finie l’organisation scientifique du travail cher au début du XXème siècle. Et pourtant ! Chaque époque depuis la colonisation des Amériques par les européens jusqu’à nos jours, nous ramène à ce rapport économique au capital, à son organisation et à sa fructification. qu’est-ce donc qui a changer, entre les systèmes politiques d’hier et ce rapport économique qui semble durer depuis le XVème, XVIème siècle. l’économie, bien sûr. La découverte de la science économique liée aux diverses découvertes scientifique en parallèle.

On peut, comme Fernand Braudel, faire émerger le capitalisme dès la fin du Moyen-Âge. Lié au commerce, ce système économique se développe d’abord localement (naissance des villes telles que Venise, Amsterdam ou encore la ligue Hanséatique du nord de l’Europe) puis se maille entre ces divers pôles pour aboutir à notre révolution industrielle européenne. Le capitalisme serait donc contemporain du XVème siècle et serait donc apparu avec la bourgeoisie pour se développer avec la genèse de l’État.

Peut-on donc imaginer sortir d’un paradigme qui dure maintenant depuis six siècles ?

qu’est-ce qui pourrait encore nous rattacher, en 2016, au Fordisme et à lO.S.T (organisation scientifique du travail) de Taylor ou encore à la naissance de la manufacture.

Tentons une réponse : le management.

Le management, au XVIIIème siècle, naît dans la sphère privée, il s’agit de prendre soin des faibles et des dépendants, enfants, vieillards, femme enceinte...etc et ainsi d’organiser la vie domestique. Rappelons qu’à l’époque bon nombre de familles paysannes commencent à occuper, à côté des travaux des champs, certaines activités pré-industrielles à domicile confiées aux femmes et aux enfants de la famille. Cette phase préindustrielle d’activités à domicile entraîne donc le besoin de gérer l’activité de celle-ci.

Durant ces années, le travail à la fabrique n’est guère organisé ni soumis à une quelconque standardisation et la notion de productivité individuelle est tout à fait marginale. Le capitaliste compte plus sur l’outil et la nouveauté technique que sur la manière qu’a l’ouvrier de travailler, pour augmenter ses profits. Ce n’est qu’avec l’arrivée des ingénieurs et cadres et une diminution de la productivité liée à la nouveauté technique de l’outil que le management est apparu en entreprise. Le XIXème et la première moitié du XXème siècle seront les moments de l’apparition de la statistique et de la mise en graphiques et tableaux de l’activité de l’homme au travail, celui du management au sens de business apparaît là. On commence par mettre en graphes et tableaux l’environnement des villes (naissance de la démographie). Plus tard encore c’est au travail qu’on va appliquer ce même traitement, pour les tayloriens, le problème c’est précisément tout ce qui est personnel, patriarcal, toutes les relations trop individualisées. Pour eux, les entreprises sont mal gérées parce qu’elles sont gérées à l’émotionnel. Il faut arrêter de recruter le cousin du patron, qui est complètement nul, et recruter un profil, faire des fiches de poste, tester des compétences, former les gens...le management va étudier les tâches et les décomposer – avec des caméras, des chronomètres… Les savoirs ouvriers du travail sont alors captés par le manager, qui se trouve en position de monopole. c’est le début de la rationalisation de l’environnement de travail (la chaîne) et des savoirs faire (la mécanisation).

Petit à petit, l’efficacité devient essentielle et est aujourd’hui, une raison d’être. Oubliée la manière de travailler et le résultat d’une belle œuvre, aujourd’hui seul l’objectif compte, la rentabilité. Ce qui donnera plus tard, c’est à dire aujourd’hui, l’optimisation. On ne juge plus sur l’aspect moral et des grandes idées, on optimise. Doit-on accueillir des migrants, n’est plus la question renvoyant à l’hospitalité et aux valeurs morales...La question est de savoir comment peut-on optimiser cet accueil :Quel est le nombre de réfugiés optimal qu’on peut accueillir ? . l’efficacité à pris le pas sur tout le reste.

Ce qui a changé ? C’est la place que l’entreprise a pris dans la société. A mesure que L’État s’est désacralisé, l’entreprise a pris une place centrale dans la société, symbolisant le progrès techniques, la croissance, la prospérité… La classe moyenne s’est aussi développée, et la catégorie des cadres est devenue dominante. De façon générale, la société s’est polarisée autour de l’entreprise et de la culture managériale.

À l’heure de l’automatisation et de la révolution numérique, la "managérisation" est devenue plus aisée : tout est déjà mis en chiffre en tableaux. De la même façon, les relations deviennent très facilement marchandisables. Quelque chose qu’on peut calculer, mesurer, organiser se manage et se vend très facilement.

Aujourd’hui, nous sommes devenus les principaux vecteurs de l’optimisation, dans la sphère travail comme dans notre sphère intime et personnelle. Ne voit-on pas arriver dans nos foyers, l’optimisation de la santé (cardio-trainer et autres appareils de mesure de tout) mesurer ses cycles de sommeil, son cholestérol. L’ordinateur et Internet, la collecte des habitudes de comportement via les algorithmes qui envahissent notre quotidien de citoyen hi-tech. Le Quantified Self c’est l’aboutissement rêvé d’un management où les gens s’auto-managent, sans besoin de personne. Avant le développement de soi, c’était être vertueux, être charitable, être un citoyen responsable… Aujourd’hui, c’est optimiser des performances, atteindre des objectifs, améliorer des scores, avoir une bonne moyenne… L’efficacité devient une fin en soi.On est tellement imbibés de cette logique qu’on l’applique un peu à tout. C’est ça la grande force du management : ce n’est pas du tout un complot, où l’on pourrait pointer du doigt des responsables et les renverser en les démasquant.

Dépasser cette rationalité managériale c’est prendre conscience de ça. L’ennemi c’est nous. C’est nous qu’il faut transformer. Qui est contre l’efficacité aujourd’hui ?

Notre malheur ne vient donc pas tant du capitalisme que des mutations qu’il a subi au cours des siècles : toujours identique et si changeant en même temps. La substance du monde est devenu capitaliste (ne doit-on pas aujourd'hui nous battre pour garder un environnement vivable) et nous-même nous sommes mués en homo-économicus. Si nous devons changer de paradigme et nous écarter du capitalisme, c’est une prise de conscience personnelle, qui nous y amènera et non la croyance en un demain meilleur. Hier, au Moyen-âge, c’est à Dieu que l’homme s’en remettait gérait le monde, aujourd’hui c’est en la technique que l’on voue notre devenir et notre bonheur...Force est de constater que ni l’un ni l’autre ne nous seront secourables.

Biblio :Thibault Le Texier :« La rationalité managériale » éditions La Découverte

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :