L’économie est devenue une religion ésotérique et comme telle, elle veut nous faire croire.

Jusqu’à preuve du contraire, la science économique était, et reste, une science humaine au sens de la définition que l’on donne à ce corpus d’études : une science étudiant l’action humaine. Et spécifiquement pour l’économie, peut-on reprendre une des définitions, telle celle de Raymond Barre : « la science économique est la science de l'administration des ressources rares. Elle étudie les formes que prend le comportement humain dans l'aménagement de ces ressources ; elle analyse et explique les modalités selon lesquelles un individu ou une société affecte des moyens limités à la satisfaction de besoins nombreux et illimités ». Définition libérale d’un homme libéral des années 60-70 qui parait bien en opposition aux thèses développées aujourd’hui par les néo-libéraux des années 2000.

Si encore dans les années 70, on rappelait que derrière les agrégats et les outils de mesure, il y avait des hommes, ce temps est passé. Ce n’est plus à l’économie d’être humaine, c’est à l’homme de devenir un acteur économique. Lorsqu’on écoute, aujourd’hui, les experts nous parler d’économie, cet aspect humain semble bien avoir disparu de leurs discours. De l’économie d’avant (d’avant les années 80/90), celle qui parlait encore du comportement humain et de la satisfaction des besoins du plus grand nombre, nos potentats mondialisés nous assurent aujourd’hui que seule l’économétrie a un sens et tentent, par là même, de nous faire croire qu’en privilégiant l’économétrie on rendrait la science économique exacte, au même titre que la physique ou les mathématiques…et en l’état de science exacte, elle deviendrait incontestable, on nous demanderait donc de croire en cette vérité économique révélée.

Comme toute religion, elle a son langage ésotérique : du PIB, taux de croissance CVS, critères de convergence ou encore de maximes économiques : « Les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain », Helmut Schmidt. la religion économique a bien pris le dessus sur l’économie réelle et toute remise en cause de ses dogmes est une hérésie.

Cette religion à son dieu, ses messies, son vocabulaire ésotérique, et son clergé, on peut même penser qu’elle a mis en place sa propre inquisition.

Le dieu économique est sans aucun doute la croissance. Cette croissance que l’on pourrait tout aussi bien qualifiée de paradis économique terrestre, ce Graal moderne. Ne nous assène –t-on pas qu’il faut retrouver la croissance à tout prix (sans jeu de mots) ? Comme au Moyen Âge, où on cherchait Dieu en toute action, où on guettait sa présence en tout lieu en invoquant les saints patrons (là encore sans jeu de mots)…et accessoirement en brûlant les sorcières.

Cette croissance, qui s’éteint doucement depuis les années 1975, aux Etats Unis comme au Japon ou en Europe, est guettée, épiée chaque trimestre. Nos grands prêtres économiques nous abreuvent de chiffres quand ce ne sont pas de prévisions, telles les pythies de la Grèce antique. Du Grand Mufti OCDE au Pape FMI, en passant par les grand Messes du G20, G8 où nos chamanes modernes formulent leurs incantations et prient pour son retour sur terre.

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Notre croissance qui êtes en Bourse

Que ton règne vienne

Que ta volonté soit faite en Europe comme aux States

Délivre nous de la crise et de la dépression

Au nom du Nasdaq, du Dollar et du CAC 40

Amen

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Qui furent donc les messies annonciateurs de cette religion ? Les messies et les pères fondateurs de cette nouvelle église économique sont datés : à la fin des années 70 et au début des années 80 : St Ronald Reagan et Ste Margaret Thatcher nous amenaient la Parole d’évangile : « l’État est le problème et non la solution ». Moins l’État interviendra, mieux l’économie se portera. Ainsi, en prenant comme définition de l’État la superstructure chargée de l’administration d’un pays, il apparait bien que lorsqu’on dénie à l’État d’intervenir, on empêche, par la même occasion, les peuples de suivre une autre voie que celle que la religion de la Croissance nous trace.

Ces messies auraient pu ne jamais être entendus, si le diable ne les avait aidés. Les années 80 sont aussi celles qui voient disparaitre l’U.R.S.S et éclater les « démocraties populaires » d’Europe de l’Est démontrant par A+B que l’économie administrée et « étatifiée » était bien à fuir et que devait désormais régner sur le monde la religion de la libre entreprise.

Une nouvelle religion était donc née grâce à ce Nouveau Testament néo-libéral, religion qui combat aujourd’hui encore, la planification économique, l’interventionnisme, le protectionnisme et la coopération sous toutes ses formes au niveau national comme international.

Un clergé en naquit, lui aussi, pour garantir le dogme : du GATT (accord sur les tarifs douaniers) à l’OMC (organisation du commerce mondial) en passant par la BCE, les traités européens et accords économiques multilatéraux, la Sainte Inquisition imposait sa doxa et distribuait les châtiments aux hérétiques.

Déjà, à cette époque et dans les années à venir, les manifestations divines du dieu Croissance se multiplièrent, des miracles économiques avaient lieu à intervalles réguliers. En 70 n’y a-t-il pas le miracle économique Grec (ne riez pas !!) n’y aura –t-il pas, pus tard, indistinctement un miracle Indien, Polonais, le Brésilien ou Chinois. Notre dieu Croissance (l’investissement spéculatifs, en réalité) touche de son doigt divin, les pays pauvres, leur intimant l’ordre : « Lèves-toi et marche ».

Dieu, clergé, religion et grands messes … miracles…est-on encore dans la rationalité scientifique ou a-t-on basculé définitivement dans l’incantation magique et le paganisme économique.

20 ans plus tard et quelques crises passées (Japon, Etats-Unis, Grèce, Espagne, Irlande et aujourd’hui Inde), la religion persiste à vouloir s’imposer rejetant les théories contraires…l’Inquisition n’est pas morte.

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